Calvados
Elle va déménager...
Elle va déménager. Elle doit trier, donner, jeter et faire ses cartons. Elle doit s’inventer ailleurs, là-bas, une nouvelle vie. Et elle sait à présent ce que cela coûte. La sensation d’arrachement, de vide, de deuil. Tout devoir recréer des habitudes et des liens. Elle imagine que c’est malgré tout une chance. Comme d’avoir plusieurs vies en une. Habiter dans différents endroits, plutôt qu’un. Elle n’imaginait pas quitter Paris enfant, puis ado et jeune adulte. Sa vie était LÀ. Mais la voici se déplaçant au gré des postes trouvés, tentant de se tenir à proximité de la mer.
Puis, elle ne pourrait plus faire sans les arbres. Ils lui permettent d’effacer instantanément tous les supposés problèmes rencontrés. Que connaissent-ils de nos drames ? ILS suivent les saisons et les intempéries. Ils absorbent et marquent, ils communiquent et font réseau. ELLE se perd dans des atermoiements. Elle espérait un autre dénouement pour elle-même, une proposition joyeuse qui n’est jamais venue, retrouver de sa superbe et de son audace.
(Se tenir au plus près des couleurs du changement de saison)
Ces premiers jours sont un test, elle sent le mode trauma activé. Dès qu’elle perçoit une pression même relative, son cerveau s’embrume, son corps perd toute tonicité et son souffle se fait plus court (poids sur la poitrine). La dissociation arrive vite et elle doit mettre en pause sa to-do list. Si elle insiste, elle est carrément prise de nausée et de vertige. Fascinant d’observer le corps mettre en place des défenses instantanées. Elle doit donc LE prendre en compte, l’écouter et ralentir à rebours du mouvement frénétique tout autour. Elle ne choisit pas, elle doit désormais tout faire len-te-ment. Comme un rééquilibrage après des années passées à 1000 à l’heure à s’autoexploiter, à tenter de faire plaisir et de satisfaire tout le monde, à tout apprendre, à tout faire avec ce côté “première de la classe” irritant.
(La vue sur le Pays d’Auge de sa chambre à venir)
Mais qui peut échapper au people pleasing ? Qui est vraiment en position de vivre en accord avec lui-même, avec ses valeurs, de dire ce qu’iel pense et de mettre des limites ? Personne, en fait. On s’accommode toutes et tous du pouvoir au-dessus de nous plus ou moins bienveillant, et évidemment qu’on le brosse dans le sens du poil. Même si dans l’histoire qu’elle s’était racontée, elle pensait s’affranchir au fur et à mesure de sa vie du poids de la hiérarchie et du contrôle. Elle pensait gagner en liberté et en assurance. Son parcours professionnel en forme de courbe infinie. Elle avait volontairement effacé les bosses et les creux, les longs plateaux tristes, les accidents et sorties de route.




ELLE est si forte et courageuse.